Quelque part en 1996… On officialise le poste d’Odette de codirectrice du Carrousel. Elle l’a été depuis le premier jour. Aurait-il pu en être autrement avec son expérience, sa formation, son engagement dans tout ce qu’elle fait? Mais elle est fine et sensible et préfère observer avant de vendre son âme. En 1996, nous sommes prêts tous les trois et c’est officiel: de directrice générale, elle devient codirectrice. C’est juste, bien et rassurant. Nous redevenons trois, mais sans risque d’insatisfaction artistique : Odette depuis longtemps a laissé le jeu pour l’administration au quotidien, la gestion des équipes qu’elle adore, les projets qui structurent. Je pense au lieu du Parminou qu’elle a mené du rêve au ruban qu’on coupe… au lieu du Carrousel… toujours à l’étude… au Cube… projet culturel et communautaire sans précédent et sans modèle qui pourrait devenir une inspiration pour les églises orphelines du Québec. Lire la suite
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1995
L’hiver commence en force avec la deuxième tournée des Contes d’enfants réels en France… Marseille, Orange, Cavaillon, Fos-sur-Mer, Saint-Priest, Mulhouse, Annecy… C’est la première fois que Cathy Aulard et André Leroy des Tréteaux de Haute-Alsace nous accueillent… pour une série de 9 représentations ! Ils n’ont évidemment pas choisi le spectacle le plus consensuel pour cette première rencontre. Cathy et André ont fait un tel travail de développement de public que Mulhouse – qui n’est pas Paris ou Marseille – offre des séries de 10-12 représentations… Quelque chose de rare et précieux en jeune public. Lire la suite
1994
Qu’est-il donc arrivé en janvier, février, mars, avril, mai, juin, juillet… août? Quelle étrange année… les éléments marquants se passent à l’automne.
Expérimentales de Salvador, en septembre, au Centre d’essai de l’Université de Montréal, suivies de la création à Fred-Barry, en décembre. La mixité des publics aux expérimentales nous dit à quel point le visage de Montréal change, et Salvador arrive à point nommé. Le texte a déjà connu plusieurs lectures, car nous avons pris goût aux lectures avec Les contes d’enfants réels et la Semaine de la dramaturgie. J’ai donc connu déjà quelques Salvador… mais Jean-Guy Viau dans la création de 1994 marque le rôle d’une tendresse lumineuse. Lire la suite
1993
1993 commence à la Chartreuse. Je reste impressionnée. Ce que j’ai vu depuis mon arrivée me bouleverse. Cette manière de faire les choses. Ce contrôle des petits détails dans une philosophie qui oriente. J’observe et essaie de comprendre. L’écriture enragée des deux premiers mois me donne une petite marge de manœuvre. C’est un des plus beaux lieux que j’ai vus au monde, un lieu qui a tous les atouts pour être élitiste et fermé, réservé aux happy few. Pourtant, le lieu est le plus ouvert qu’il m’ait été donné de fréquenter. Je découvre avec bonheur les dessous de l’action culturelle. Jamais je n’ai eu le sentiment d’être si près de la pensée de Jean Vilar qui se manifeste dans les politiques, les grandes orientations et les petits gestes du quotidien. Lire la suite
1992
Contes d’enfants réels. Il a eu l’idée (malgré moi, je crois) de porter à la scène quelques-uns des contes d’enfants que j’écris depuis des années. Il en choisit huit… D’où est venu le titre et comment s’est-il imposé? Je n’en ai pas le moindre souvenir, mais il est parfait. Il dit la proche parenté avec la réalité de chacune des situations, de chacun de personnages et le plaisir à broder autour de la réalité pour le ludisme, le mystère et le désir de signes et symboles qui enracinent de petites situations quotidiennes dans l’universel. Le premier conte, Le Monstre, raconte l’enfance du premier souffle au premier soupir… soupir amoureux. Le téléphone, est celui qui m’annonce la mort de mon père et la manière instinctive des petits de deviner ce qu’on leur cache. Lire la suite
1991
Marc Pache entre au Carrousel pendant que Gervais fait l’essai de sa nouvelle salle de répétition avec Conte du jour et de la nuit, petit frère de Comment vivre avec les hommes… Jean-Guy, un Alfredo, irremplaçable, Benoît Dagenais, le géant, comment pourrait-il en être autrement, et Linda Laplante. Linda se lance dans le théâtre jeune public avec son talent immense et son impudeur, toujours prête à essayer quelque chose. Oh! La belle équipe! La scénographie du spectacle signée André Brosseau est un livre immense qui se déploie sur scène comme un «pop-up» et cause un plaisir fou aux enfants qui passent de la ville au trou du rat avec une facilité admirable… Jouer pour les petits est un bonheur toujours renouvelé. Lire la suite
1990
Gabriel Lemelin, cher Gabriel, entre au Carrousel en août… début de la saison 1990-1991. Il travaille d’abord au secrétariat et, dans mes souvenirs, nous sommes déjà sur Parthenais… car je ne me rappelle pas avoir vu Gabriel dans les grands locaux lumineux de Ville Lasalle… Quand donc avons-nous déménagé?
Pourquoi avoir déménagé? Je peux l’expliquer. On se sentait éloignés et il devenait de plus en plus difficile d’attirer les artistes… Lire la suite
1989
Comment vivre avec les hommes quand on est un géant
Mort de papa le jour de la première représentation expérimentale, le 28 avril… La date est gravée dans ma mémoire. Comment pourrait-il en être autrement? C’est le jour de mon anniversaire, mon père m’a appelée le matin, lui qui laissait pourtant le soin à maman de le faire habituellement. Il a appelé tôt puisque, très tôt, on est à Ville Lasalle pour les derniers détails, l’accueil. On donne les deux représentations avant de revenir vers 5 heures… quand le téléphone sonne… La nouvelle dans des mots qui n’ont plus de sens… Le voyage pour la campagne et le coucher de soleil sur le fleuve Saint-Laurent qui me rappelle la dernière phrase du spectacle : « Quelle belle journée pour entreprendre un aussi long voyage! ». La réplique d’Alfredo à Troller qui part pour la Patagonie, le pays des géants, tourne dans ma tête inlassablement… et à la fin de la réplique, les premières notes du Requiem de Fauré chanté par des enfants qui accompagnait le rat sous terre remonte comme une profonde vague d’espoir. Lire la suite
1988
Si 1987 s’est terminée en Amérique du sud, 1988 commence là aussi. Une lune entre deux maisons, en espagnol, est présenté au Pérou, à Lima. Le choc avait été grand en Argentine et nous avions eu quelques vertiges devant le déséquilibre incroyable de la pauvreté et de la richesse… Il suffit de penser à la soirée commencée par un anniversaire de la télévision argentine, atmosphère de luxe et de décadence dans les salons dorés à perte de vue, avec cocottes à perte de vue, sur des talons de 25 centimètres, des jupes de moins de 25 centimètres et des perruques de plus de 25 centimètres, cocottes blondes et fardées, avec alcool à perte de vue dans des coupes fines servies sur des plateaux d’argent. Lire la suite
1987
D’une tournée dans le Bas-du-Fleuve, à Rimouski, Gervais ou Alain, ou Gervais et Alain m’ont rapporté, il y a déjà quelque temps, un roman dont le titre m’intrigue comme il en a intrigués beaucoup avant moi : le roman américain Burt d’Howard Buten, à la diffusion plus que discrète aux États-Unis, est devenu un bestseller sous son titre français : Quand j’avais cinq ans je m’ai tué. L’histoire d’un garçon de 8 ans placé dans une institution psychiatrique me bouleverse. En fait, ce n’est pas l’histoire, mais la justesse du point de vue de l’enfant de 8 ans sur le monde qui m’émeut, me touche, me donne l’envie irrépressible de partager mon coup de cœur avec les enfants. Je décide d’adapter le roman pour la scène. L’expérience sera déterminante pour le Carrousel, pour mon écriture, pour les réflexions et les questions que l’adaptation va provoquer. Lire la suite