Archives mensuelles : octobre 2014

1989

Comment vivre avec les hommes quand on est un géant

Mort de papa le jour de la première représentation expérimentale, le 28 avril… La date est gravée dans ma mémoire. Comment pourrait-il en être autrement? C’est le jour de mon anniversaire, mon père m’a appelée le matin, lui qui laissait pourtant le soin à maman de le faire habituellement. Il a appelé tôt puisque, très tôt, on est à Ville Lasalle pour les derniers détails, l’accueil. On donne les deux représentations avant de revenir vers 5 heures… quand le téléphone sonne… La nouvelle dans des mots qui n’ont plus de sens… Le voyage pour la campagne et le coucher de soleil sur le fleuve Saint-Laurent qui me rappelle la dernière phrase du spectacle : « Quelle belle journée pour entreprendre un aussi long voyage! ». La réplique d’Alfredo à Troller qui part pour la Patagonie, le pays des géants, tourne dans ma tête inlassablement… et à la fin de la réplique, les premières notes du Requiem de Fauré chanté par des enfants qui accompagnait le rat sous terre remonte comme une profonde vague d’espoir. Lire la suite

1988

Si 1987 s’est terminée en Amérique du sud, 1988 commence là aussi. Une lune entre deux maisons, en espagnol, est présenté au Pérou, à Lima. Le choc avait été grand en Argentine et nous avions eu quelques vertiges devant le déséquilibre incroyable de la pauvreté et de la richesse… Il suffit de penser à la soirée commencée par un anniversaire de la télévision argentine, atmosphère de luxe et de décadence dans les salons dorés à perte de vue, avec cocottes à perte de vue, sur des talons de 25 centimètres, des jupes de moins de 25 centimètres et des perruques de plus de 25 centimètres, cocottes blondes et fardées, avec alcool à perte de vue dans des coupes fines servies sur des plateaux d’argent. Lire la suite

1987

D’une tournée dans le Bas-du-Fleuve, à Rimouski, Gervais ou Alain, ou Gervais et Alain m’ont rapporté, il y a déjà quelque temps, un roman dont le titre m’intrigue comme il en a intrigués beaucoup avant moi : le roman américain Burt d’Howard Buten, à la diffusion plus que discrète aux États-Unis, est devenu un bestseller sous son titre français : Quand j’avais cinq ans je m’ai tué. L’histoire d’un garçon de 8 ans placé dans une institution psychiatrique me bouleverse. En fait, ce n’est pas l’histoire, mais la justesse du point de vue de l’enfant de 8 ans sur le monde qui m’émeut, me touche, me donne l’envie irrépressible de partager mon coup de cœur avec les enfants. Je décide d’adapter le roman pour la scène. L’expérience sera déterminante pour le Carrousel, pour mon écriture, pour les réflexions et les questions que l’adaptation va provoquer. Lire la suite

1986

André et Ville Lasalle.
André Courchesne entre en poste comme directeur général. Le Carrousel a beaucoup grossi… assez pour parler déménagement… Aujourd’hui, il faut plutôt dire relocalisation. En gardant son siège social sur la Rive-Sud, Le Carrousel n’a pas accès aux subventions du Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal. Francine Bernier du CACUM, qui deviendra notre agente après le déménagement, nous conseille non seulement le déménagement sur l’île, mais dans un arrondissement excentré… Ville Lasalle nous offrait beaucoup. Et puis, Marcelle Pallascio connaissait notre pensée artistique, notre développement. C’était une convaincue et une convaincante cette Marcelle, chef de la division de la Culture, sports, loisirs et développement social qui travaillait sous le regard non moins éclairé de Rachel Laperrière,  directrice du Service de la culture de la Ville de Lasalle. Lire la suite

1985

Janvier, c’est le 10e anniversaire de la compagnie… Gervais est professeur invité à l’UQAM. Il a été recruté par le Département de théâtre avec Gilles Maheu pour repenser la formation des acteurs : voix et corps. Un salaire de prof, c’est la manne tombée du ciel. Nous sommes riches. Gervais et moi, on déménage rue Pine, une maison que nous allons tant aimer pour ses boiseries de chêne, ses grandes fenêtres et sa cabane dans le jardin où je m’installe pour écrire avec mon petit poêle à bois que je vais chauffer à sept heures du matin avant d’y retourner vers huit heures prendre mon premier café et allumer mon ordinateur. Lire la suite

1984

Création de La Marelle et expérimentation intéressante. Les relations des petits entre eux, les relations entre parents et enfants m’ont amenée aux relations étonnamment parallèles des plus vieux et des plus petits. J’ai passé presque une année complète entre les garderies et les maisons de retraite, entre les livres et la vie, à explorer les comportements des petits de moins de 5 ans et des vieux (pourquoi avoir peur du mot?) Est-il vraiment péjoratif, moi qui aime tant les vieux fauteuils et les vieilles armoires? Les vieux ressemblent terriblement aux petits dans leurs peurs, leurs manies, leurs obsessions, leur perfectionnisme, leur maladresse et je commence à écrire Les enfants ridés. Il s’agissait d’une garderie où ceux qui y vivaient, y jouaient, mangeaient, se disputaient étaient… des vieux, vraiment vieux, le 4e âge, il faudrait dire. Lire la suite

1983

Janvier. Reprise des activités après des pseudo vacances pendant lesquelles on a présenté Les Petits Pouvoirs à la Salle Fred-Barry. Février. Le jour est froid mais lumineux. Nous sommes tous au bureau installé dans le petit quatre pièces de la rue Mercille à Saint-Lambert, Martine, Alain, Gervais et moi, quand la lettre arrive. Je me rappelle très bien le soleil dehors et la lettre : l’enveloppe nous a rassemblés. La lecture nous fait hurler de bonheur. On n’y croit pas. On lit et relit et relit encore : les deux spectacles présentés en août au Festival international de théâtre pour l’enfance et la jeunesse sont invités aux 4e RITEJ à Lyon… Rencontres internationales du théâtre pour l’enfance et la jeunesse. Pas un, deux spectacles pour une première sortie internationale! Lire la suite

1982

Les Petits Pouvoirs… La pièce sera montée en février et pour la première fois, je ne suis même pas présente aux répétitions. Je me sauve, je pars vers le sud et le soleil avec mon petit qui est à la maternelle. On en profite, puisque c’est encore possible. Lorraine Pintal dirige la mise en scène avec quatre acteurs (Gervais, Alain Grégoire, France Labrie et Danièle Lépine) et un musicien (Roger Goyette, parti prématurément). Qui a eu l’idée du saxophone et du saxophoniste sur scène… Lorraine Pintal ou Gilbert Bourgoin qui dirigeait les chœurs? Les choix musicaux ont provoqué des réactions. C’était moderne… contemporain… Assez? Trop? Juste assez en tous cas pour que le spectacle fasse son chemin. Lire la suite

1981

Les tournées d’Une lune entre deux maisons… De septembre à septembre, beau temps mauvais temps. Gervais suit les reprises. Il est toujours là, metteur en scène déjà sans jamais penser à se donner le titre, aussi efficace que patient et têtu. Il sait ce qu’il veut et comment le demander aux acteurs. Jamais il ne permet de jouer l’enfant. Être enfant, porter l’enfance dans un spectacle dirigé par Gervais, c’est jouer les situations en retrouvant l’état d’enfance qui nous habite, même dans l’inconscient le mieux enfoui. Il faut lire et relire Pierre Péju qui parle de l’enfantin pour faire taire l’insupportable infantile réducteur, comprendre la nuance entre les deux réalités et saisir comme elle est fine la ligne de jeu de l’acteur qui s’adresse aux enfants.

De grands pics de bonheur dans cette saison. Lire la suite