2010

Le bruit des os qui craquent tourne en France et au Québec. De mars à mai. Un succès qui nous étonne. Le monologue solo d’Angelina que j’ai écrit pour de petits groupes, dans des écoles, dans des classes… au cas où le spectacle ne rejoindrait pas vraiment son public, reste dans les tiroirs pour l’instant. Le bruit des os qui craquent  aura tourné au Québec comme nous n’aurions jamais imaginé dans nos rêves les plus optimistes… Nous irons jouer deux fois à Trois-Rivières (en plus de la lecture publique que nous avions donnée), chez Mélanie Brisebois… C’est dire comme les programmateurs, les diffuseurs ont pris le goût du risque… et comme ils ont développé des publics sensibles et exigeants. On sait le spectacle exigeant. Il y a bien sûr les retombées du travail de Sylvain…

Le bruit des os qui craquent, mise en scène Gervais Gaudreault, Le Carrousel, 2010. Jean-Philip Debien,  Audrey Talbot. Photo: F-X Gaudreault

Le bruit des os qui craquent, mise en scène Gervais Gaudreault, Le Carrousel, 2009.
Jean-Philip Debien, Audrey Talbot.
Photo: F-X Gaudreault

Le printemps, l’été et l’hiver voient des remaniements importants dans l’équipe du Carrousel qui traverse des turbulences. Éliane, le bras droit d’Odette, qui était avec nous  depuis des années, nous quitte pour le monde de la musique duquel elle venait, après une importante restructuration informatique qui bouleverse nos manières de faire les choses. Yvon… ne va pas bien au moment où Ingrid entre en poste et où elle aurait le plus besoin d’accompagnement. Sylvain est en France puisqu’il y a tournée. Odette travaille plus que jamais à imaginer un projet de relocalisation qui nous occupe depuis déjà quelques années… Elle doit sentir, reconnaître peut-être, les premiers signes de la maladie et elle met les bouchées doubles.

Le projet le plus concret, celui qui commence à prendre forme est celui de l’église Saint-Brigide de Kildare. Ce projet est, de par sa manière de faire converger de nombreux objectifs, très inspirant: conversion du patrimoine religieux à des fins communautaires et culturelles, îlot de services pour la population du quartier, CPE, réinsertion sociale. Une proportion de 60% de l’église serait réservée aux deux compagnies de théâtre Le Clou et Le Carrousel, dont les missions complémentaires  en font des partenaires idéaux. Le but ultime est d’ouvrir un véritable centre de création, de recherche et d’expérimentation international qui servirait à tout le milieu, avec possibilité d’accueil en résidence de compagnies ou d’artistes du Québec, du Canada et d’ailleurs. Le travail de déblayage est phénoménal. Odette et Isabelle Boiclair du Clou y passent beaucoup de temps et d’énergie.

En France, tout baigne et Gervais, en tournée, ne sait rien. À, Colima, au Mexique, tout baigne et je ne sais rien. Je suis en résidence et j’écris Par le trou de la serrure. Une fuite encore vers la solitude que m’offre Janet Pinela, ma chère Janet, directrice de la compagnie Cuatro Milpas Teatro rencontrée lors de la tournée de L’Ogrelet. Il y a entre nous ce que le Québec et le Mexique partagent… la latinité… La maison que j’habite est parfaite pour moi, chargée d’histoires et de mystères. Elle est juste entre deux villages, deux magnifiques villages où les fruits poussent en liberté et où il fait toujours chaud: celui de Comala, village mythique de Juan Rulfo, le poète d’une seule œuvre comme notre Miron et pourtant, comme lui, figure mythique de la littérature de son pays et celui non moins mythique de Suchitlan… le village des sorciers.

Nous sommes de retour, Gervais et moi, pour la naissance en avril de notre troisième petit-enfant, notre ourson, tellement tendrement amoureux de son grand-père et devenu avec le temps un fier batailleur, un grand garçon qui passe son temps à compter… Comme ils sont étonnants les enfants! Aubert a pris, pour devenir quelqu’un, le créneau que ses sœurs lui laissaient complètement libre. Les deux filles n’ont aucune tendresse pour les chiffres… et lui, il y a longtemps déjà qu’il s’est mis à compter… mêmes les morceaux de la tablette de chocolat qu’il soustrait et additionne avec une maîtrise remarquable. Il va avoir 5 ans en 2015 et va entrer à l’école. Nous ne pourrons plus aller le chercher à la garderie située à un pâté de maison de chez nous et l’amener coucher…

À l’automne, les expérimentales de Nuit d’orage se font à Mont-Laurier, grâce à Christine Bellefleur. Immense victoire de décentralisation, de diffusion, de complicité entre artistes et diffuseurs! Nous sommes heureux de cette grande première dans l’histoire du théâtre jeune public au Québec. La création, elle, a lieu à la Maison Théâtre, et la tournée se poursuivra… au Québec, en France, à Taiwan, en Pologne…

Nuit d'orage de Michèle Lemieux, mise en scène Gervais Gaudreault, Le Carrousel, 2010. Émilie Lévesque. Photo: F-X Gaudreault

Nuit d’orage de Michèle Lemieux, mise en scène Gervais Gaudreault, Le Carrousel, 2010.
Émilie Lévesque.
Photo: F-X Gaudreault

Cet automne-là nous sommes au Brésil… C’est la deuxième fois que nous présentons un spectacle au Festival Internacional de Teatro para a Infância e Juventude, à l’invitation de la Cia Paidéia de Teatro, une coopérative théâtrale hors norme qui nous rappelle le Parminou. La compagnie fait un admirable travail de développement de public dans les quartiers les plus défavorisés de Sao Paulo. Déjà en 2007, on y a présenté une lecture théâtralisée des Contes d’enfants réels en espagnols avec un grand succès. Cette fois, c’est Zapatos de arena (encore une fois en espagnol…) qui est invité… et nous voyons une chose que nous n’avons jamais vue de notre vie : nous voyons se construire un théâtre, véritable théâtre avec lumières, hall et loges… confortables, yes, sir, monsieur… dans un stationnement! Les commanditaires peuvent se permettre de telles excentricités… impensables pour une compagnie de théâtre.

Voir ça au Brésil et dans un quartier particulièrement défavorisé fait réfléchir.

Le travail théâtral de la Cia Paidéia de Teatro nous bouleverse, l’accueil d’Aglaia et Amauri, les activités d’animation, la chaleur de l’équipe… nous font oublier que Zapatos de arena, qui s’adresse aux plus petits, aurait gagné à être présenté en portugais… Les petits ne comprennent pas aussi facilement l’espagnol que les plus grands,  et le spectacle perd un peu de sa lumière malgré la beauté de Mozart, de la scénographie, de la mise en scène, des acteurs et, comme toujours dans le sud, de l’extraordinaire disponibilité du public.… Nous sommes les seuls à garder une certaine frustration,  mais nous savons que nous n’avons pas tort. Le théâtre est un acte vraiment intime.

Je mets un tableau des données statistiques entre 2010 et 2011, la 37e saison. Les quelques chiffres racontent de manière éloquente les incroyables progrès de la diffusion au Québec… Impressionnant et il mérite d’être souligné… Je n’ai pas vérifié à partir de quelle année la balance devient si favorable au Québec… mais ce qui est certain… c’est qu’il n’y aura jamais plus ce déséquilibre des années 80 ou plutôt, si déséquilibre il y a, il est clairement en faveur du Québec où le nombre de représentations données sera toujours supérieur à celui des représentations jouées à l’étranger… ce qui nous semble quand même normal. RIDEAU a vraiment bien fait son travail…  et Sylvain, est à la hauteur.

Statistiques de la 37e saison :

Spectacles 3 incluant versions linguistiques 3  
Lectures 0      
Représentations 149 Au Québec 91    
Pays 3 Au Canada 7    
Villes 25 À l’étranger 51    
Tournées 4    
Tournées internationales 2    
Festivals 2
Nombre total
de spectateurs
33 547